La vision fantôme

(extraits)

Au départ, rien de très construit. J’envisageais une série d’autoportraits. C’était une impulsion, l’idée d’un travail sur l’âge qui avance inéluctablement.
Mais, face aux premières épreuves imprimées, des perspectives nouvelles, bien différentes me sont apparues.
Une photographie plus ancienne, que j’avais nommée : « le fantôme », m’est alors revenue en mémoire. Elle représentait mon ombre portée.
Sans doute le souvenir d’un passé où mon image restait encore évanescente, presque irréelle.
Cette ombre, ce fantôme, je l’ai réalisé ensuite, correspondait probablement à ce que mon père – dont la vue était faible  – voyait du monde.
Un accident dans son enfance, puis, une vision voilée, floue, s’assombrissant de plus en plus avec l’âge.
Ses troubles visuels, sa malvoyance, ont fondé, je crois, mon désir de devenir photographe et en ont induit l’écriture.
C’est en définitive une sorte d’image intérieure partielle et partiale qui est montrée ici.
Représentation tronquée, percée de trous et de mots.
Ce travail fut une révélation, celle du regard de mon père tapi dans l’ombre du mien.
Tout dernièrement, j’ai appris que ma découverte fortuite, liée à cette série, pouvait être assimilée à un processus portant un nom savant, la sérendipité*.

*Sérendipité : Capacité, art de faire une découverte, scientifique notamment, par hasard ; la découverte ainsi faite (Larousse)