Voyage intérieur vers une terre oubliée.

(extraits)

Ce projet, qui mêle photographies et textes, parle d’un retour en Algérie, ma terre d’origine. Non pas un voyage au pays, seule ou avec d’autres pieds-noirs, rapatriés ou anciens colons. Non, un voyage intérieur, à la rencontre d’un oubli, d’un silence. Le silence qui suit les détonations de la guerre, le long silence de l’exil.

La décision de revenir vers cette profonde zone d’oubli, l'Algérie et sa guerre, émergea en 2017, peu après un voyage à Cuba. Tout au long de la traversée de cette île, j’étais prise dans un malaise, une sorte d’hébétude. Une blancheur opaque enveloppait souvent mes pensées, les rendant lointaines, inaccessibles. J’avançais sans savoir pourquoi, par les villages et les routes poussiéreuses. Plus d’accès aux émotions, aux pensées, une muraille molle m’en séparait. Je ne voyais qu’une brillance qui vibrait parfois, n'entendais plus qu’à travers un filtre les bruits et les chants de cette île. Il y eu, à mon retour de Cuba, l’impression de partager une chose avec ce peuple. Leur silence me revenait et dans le leur, je reconnaissais le mien.

J’ai compris, en découvrant les nombreuses photos de palmiers que j’avais ramenées de Cuba, puis en considérant, à postériori, mon rejet excessif de ce voyage, que l’Algérie était venue me visiter et m’engloutir au cours de ce périple. Sans mon accord, elle s'était imposée à moi.

Le temps était venu d’exhumer cette valise fermée, enlisée dans la vase profonde de mon passé. Bien sûr, j'avais parfois évoqué mon lieu de naissance, pris des photos de paysages méditerranéens qui me rappelaient ma terre natale. Elle était là, de biais, un détail exotique de mon histoire. Dans les petits textes que j'écrivais, le mot guerre n’est apparu que très tardivement.

Je flirtais avec l’Algérie, mais je la quittais bien avant qu'une relation ne s'établisse.

Cette entreprise d’écriture et de création d’images m’a aidée à préciser mon identité.

Pas pied-noir ni rappatriée, encore moins colon. Je suis une exilée